L’après Netflix – panorama du PAF depuis l’arrivée du géant américain

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Pour notre premier débat, c’est bien évidemment de l’arrivée de la plateforme SVOD Netflix dont il fut question chez les étudiants. Fraîchement débarquée en France depuis le 15 septembre dernier, la société de Reed Hastings n’a cessé d’inquiéter et de questionner les principaux acteurs du PAF (Paysage.Audiovisuel.Français).

Refusant de s’installer physiquement en France du fait des nombreuses contraintes qui lui étaient imposées, dont celle de la chronologie des médias, Netflix s’est ouvert au marché français depuis le Luxembourg, d’où il propose de nombreuses séries et films dans une offre low cost, rappelant les prix pratiqués par Free lors de son entrée chez les opérateurs français. Mais si ces derniers, ainsi que les chaînes TV françaises, craignent que la délinéarisation des programmes détruise la télévision nationale, Hastings voit son arrivée dans l’Hexagone comme une étape évolutive, dans un processus entamé bien avant sa venue sur place. Le public français a déjà intégré l’usage de la VOD et Netflix, selon ses termes, “tend vers une dimension supplémentaire” (Cf. Allociné).

Le rapport Olivier Bomsel, paru le 1er septembre 2014, revient sur l’impact à long et court terme de l’implantation de Netflix chez les irréductibles Gaulois. « La TV à papa c’est fini » titrait Le Monde le 12/09/2014 : la révolution Netflix est aussi attendue que redoutée. Avec son arrivée annoncée depuis plusieurs mois, seul Bouyghes Télécom avait d’abord prévu de l’intégrer à sa nouvelle box. Il sera finalement le dernier opérateur à le faire puisqu’après avoir été réticents à la chose, Orange puis SFR se sont décidés à accepter un partenariat avec la plateforme SVOD.

Tous craignent le manque d’adaptation du PAF et son conservatisme, qui mettent en péril leur mode de fonctionnement à l’orée de la délinéarisation télévisuelle massive. Certains y voient même une catastrophe pour l’exception culturelle française, passant par une perte importante de l’audimat des chaînes TV et de leurs revenus publicitaires, ainsi que par une adaptation synonyme d’américanisation, selon les lois du marché libéral, et par une chute du financement de la production audiovisuelle. Cependant, cette menace est à relativiser : les pays dans lesquels Netflix s’est déjà implanté possédaient déjà des services équivalents qui n’ont pas succombé à la société américaine, ne seraient-ce que BSkyB ou HBO, aux Etats-Unis même. Leur télévision nationale ne s’en porte d’ailleurs pas plus mal.

Le véritable changement tient alors à la transformation nécessaire du secteur de l’audiovisuel. Pour s’adapter à cette nouvelle logique de marché, remettant en cause le système concession/obligation mis en place dans les années 80 (évolution suite au rapport Plancade ?), le PAF dans profondément revoir sa manière de financer les œuvres audiovisuelles. Elle doit notamment s’orienter vers les exportations et aller vers une intégration verticale plus importante, avec la possibilité pour les diffuseurs d’avoir des parts de coprodcution sur les œuvres qu’ils financent afin d’arriver à une logique de catalogue. Quant à la fragmentation de l’audience crainte par les opérateurs et les chaînes TV, elle ne date pas de Netflix, la TNT y ayant déjà grandement participé, tout comme le téléchargement légal et illégal.

Pour le moment, aucune remise en cause du système français n’est encore parue, si ce n’est chez Nonce Paolini, président de TF1 et Alain Weill, président de NextRadioTV, qui demandent une adaptation rapide et drastique du PAF, pour être à niveau avec les concurrents internationaux (voir les avis des différents acteurs concernés). Les organismes professionnels ont quant à eux déjà signé des accords avec Netflix, concernant les droits d’auteur. La SACEM, l’ADAGP, la SCAM et la SACD, qui le voit comme un outil de lutte contre le piratage mais également comme une concurrence déloyale sur la réglementation, mais pas sur la rémunération des auteurs.

Diffuseur mais également producteur, Netflix a déjà produit ses propres séries (Orange is the new black), dont une certaine spécifiquement française mais destinée tout autant à l’exportation (Marseille). La société reprend aussi plusieurs séries annulées pour les faire revivre auprès d’un public qui en redemande (Arrested Development et The Killing). Elle fonctionne sur une logique de studio, produisant et possédant nombre d’éléments de son catalogue, pour une plus grande liberté d’action.

Ainsi, si Netflix ne se veut pas comme le destructeur, ni de l’exception culturelle française, ni de la télévision linéaire, il pose question quant à son évolution. Le marché français a déjà commencé à s’adapter (Numéricable avec Sérflix, Canal plus avec Canal Play Infinity), mais la publicité risque malgré tout de connaître une importante déflation si elle ne s’attache pas plus en profondeur aux nouveaux médias. Il faut également prendre en compte la lutte contre le piratage, qui tente de se concrétiser (rapport Imbert-Quaretta) et pour qui Netflix se fait inconsciemment l’un des principaux atouts. Le PAF est en complète restructuration et son visage est destiné à changer, selon les nouveaux modes de production et de consommation audiovisuels français et internationaux.

Par Nérimen Hadrami et Claire Lefranc.