Lorenzo Benedetti, fondateur de Studio Bagel et actuel directeur de la création digitale du Groupe Canal+

Logo_canal_plus

NOUVEAUX MÉDIAS – Le jeune fondateur de la chaîne Youtube à succès repérée par Canal + est venu rendre compte de son parcours et de l’état de son marché à l’actuelle promotion du Master 2 Cinéma Télévision Nouveaux Médias

Après avoir été diplômé du DESS Sabatier à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Lorenzo Benedetti apprend le métier de producteur du côté du diffuseur chez France 5. Cette appétence pour la fabrication de contenus se confirme chez Air Productions où, au côté de Nagui, il apprend la clé du métier de producteur : la conviction. Par volonté d’indépendance, il monte d’abord une structure, Prod360, au sein de Tel France puis sa propre société de production autour du brand content, du digital et de la production low-cost mais de qualité pour les chaînes de la TNT (à savoir réfléchir à de nouvelles manières d’organiser des productions avec moins de postes). Très rapidement, il est informé par un ami, responsable des partenariats chez YouTube, de l’appel d’offres pour la création de programmes de la plateforme.

LE BAGEL : NAISSANCE D’UN MCN
Sélectionné, Lorenzo Benedetti fait alors naître le Studio Bagel, chaîne indépendante regroupant plusieurs « influenceurs » du web, comédiens et auteurs, d’ores et déjà plébiscités sur la plateforme. Avec un budget de 700 000 euros, la chaîne doit répondre à une obligation de production de 30 heures de programmes (c’est-à-dire 300 euros la minute) impliquant une logique de catalogue et non de diffusion. Or, le fondateur, Lorenzo Benedetti, ne souhaite pas répondre à cette logique et édicte ses règles au géant américain. En effet, il croit à « l’évènementialisation » des vidéos originales sur YouTube ce qui implique d’utiliser tous les réseaux sociaux et de faire circuler les communautés en adaptant les contenus en fonction des différentes plateformes. Très rapidement, la chaîne devient un MCN (Multi Channel Network).

Face à la concurrence d’autres MCN moins indépendants, tels que Mixicom ou Endemol Beyond, Lorenzo Benedetti prend la décision de vendre 60% de son Studio Bagel à Canal+. Cela permet au collectif un confort de production afin de continuer à produire des contenus originaux et qualitatifs sans toutefois changer leur façon de travailler. En effet, par souci d’efficacité, le Studio a à cœur que les auteurs soient les chefs de projet de leurs sketchs jusqu’à la fin de la production ce qui permet de corriger plus rapidement et donc de maintenir des coûts de production bas. La participation de Canal+ a également permis une meilleure fidélisation des talents en leur offrant plus d’opportunités et de crédibilité. Mais cette acquisition a eu un « effet pervers » : si le vieillissement de l’audience était une bonne chose, le Studio Bagel se voit affubler de l’étiquette « racheté par Canal ».

QUEL MODÈLE ÉCONOMIQUE POUR UN CHAÎNE YOUTUBE ?
Studio Bagel, c’est aussi un modèle économique inédit car les contenus sont à la fois diffusés à la télévision et sur Internet. Ainsi, la première moitié de son chiffre d’affaires provient de la vente de programmes à Canal+ et la seconde moitié majoritairement d’opérations de brand-content et de la vente d’espaces publicitaires sous la forme de pré-rolls. À l’heure où la publicité décroit, Lorenzo Benedetti affine son modèle. Studio Bagel se diversifie en terme de chaînes mais aussi en terme de plateformes créant sa propre chronologie des médias (à savoir une diffusion télévisée, puis sur son site via un lecteur DailyMotion et enfin sur l’ensemble des plateformes à disposition sous forme de « teasers » avant que le contenu ne termine sur YouTube). En effet, pour séduire toujours plus d’annonceurs et rester indépendant, le MCN français développe un réseau de chaînes thématiques comme StudioMovie ou StudioGaming en leur associant des sites web. Il s’agit également de réfléchir à comment disrupter les façons de produire en proposant peut-être une logique de club, comme les box MyLittleParis.

Si, depuis la création de son Studio Bagel, Lorenzo Benedetti considère qu’il a sûrement commis quelques erreurs, le producteur de contenus digitaux français reste un performeur. Il veut continuer à apporter mieux que les autres dans un secteur audiovisuel toujours plus exigeant mais pas encore prêt à donner au digital les moyens de réellement se développer.

Alix Letribot & Samy-Alexandre Selmi